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Premiers instants avec Petite Florence (Originaire de Taiwan)

Le 26 février 2005, Petite Florence a fêté son premier anniversaire avec nous. Nous avons eu si peur de manquer cette première. Nous avions déjà « survécu » à Noël sans elle, pas question en plus de ne pas être présents pour son premier anniversaire! Et bien entendu, il a fallu le célébrer. La fête en soi n’avait pas à être extraordinaire, pas plus que les cadeaux, le repas ou nos tenues vestimentaires. Mais surtout elle devait marquer officiellement l’arrivée au Québec, depuis déjà deux mois, de notre petite capitaine.

Deux mois plus tôt. Ce matin-là, nous arrivons crevés à Taipei (nous n’avons plus vingt ans, avouons-le tout de go) et sans la valise de notre fille (perdue quelque part dans le transport…), mais plus que prêts à nous rendre sans plus de délais au Jonah House.

Vous allez être déçus. Nous n’éclatons pas en sanglots lorsque nous apercevons notre fille; nous ne ressentons aucune joie incommensurable et indescriptible nous envahir au moment où nous la prenons dans nos bras. Non. Rien ne se passe comme nous l’avions imaginé. J’ai sur moi la liste de toutes les questions que je souhaite poser au personnel ou à la mère biologique: A-t-elle été malade? Pris des antibiotiques? Une routine particulière pour les dodos? Maladie connue dans la famille? Allergies? Etc. Vous avez sûrement rédigé une telle liste! J’ai en outre promis à deux couples de prendre en photo leur petit trésor qui viendrait compléter très bientôt leur famille. Je souhaite rencontrer sœur Rosa et la remercier. Je me demande si la mère biologique se présentera… Bref, je suis remplie d’un tas de bonnes intentions et mon mari également (quoique ceci soit mon témoignage personnel; mon mari vous fera le sien de vive voix j’en suis certaine).

Notre rencontre avec petite Florence

En vérité, tout se passe très vite. Nous avons à peine passé la porte principale de l’édifice qu’une dame nous demande si nous sommes là pour un emploi. Le seul nouvel emploi auquel je peux m’associer est celui de « mère », mais je ne pense pas que c’est ce qu’elle a en tête et ainsi je lui réponds que nous avons plutôt un rendez-vous avec Penny, l’adjointe de sœur Rosa. Elle nous indique l’escalier menant au premier étage.

En réalité, il est déjà clair que nous n’allons pas rencontrer Sœur Rosa. Penny est d’une extrême gentillesse et d’une grande délicatesse. Dommage que je ne saisisse que la moitié de ce qu’elle me raconte au sujet d’une enveloppe remplie de documents officiels et qu’en définitive nous n’avons même pas ouverte… Ainsi, pendant que j’essaie de me rappeler où j’ai fourré ma liste de questions et que Penny s’évertue à nous faire comprendre qu’il nous faut enlever nos chaussures et enfiler une chemise de chirurgien (rose pour maman, bleue pour papa), mon mari cherche des yeux la petite capitaine du tropique Nord qu’il est certain de reconnaître parmi tous les petits minois inquisiteurs que nous apercevons à travers les barreaux des lits de la pouponnière. C’est compter sans l’énervement et la fatigue.

L’infirmière le conduit finalement au lit de Florence qui est sagement couchée, mais pourtant tout habillée, fin prête pour son grand départ. De la pièce voisine où je suis, mon oreille est à demi attentive à Penny et à la travailleuse sociale qu’on vient de me présenter; mes yeux ont déjà repéré à travers la vitre le minois de mon amour, déjà gravé dans nos cœurs grâce aux photos usées reçues au cours des mois précédents. Il est clair aussi que la mère biologique ne viendra pas. Rien ne se passe jamais comme on l’imagine, je le répète.

Petite Florence dans les bras de papa

Enfin, la petite est dans les bras de son père! Et son père avance vers moi. Florence est bientôt tout près de moi. Il est question de couches et de lait. Je ne sais pas si c’est moi qui ai posé les questions. Je n’ai aucune émotion particulière. Je me souviens m’en être rendue compte. Suis-je normale? J’ai l’impression de la connaître depuis toujours. On dirait que je viens simplement la chercher à la garderie… Florence, son père et l’infirmière me laissent soudain pour un changement de couche impromptu. Pendant qu’ils s’activent au-dessus de la table à langer, je me retrouve avec en main un grand sac de coton à l’effigie du Jonah House et qui contient biberon, lait, couches et quelques vêtements (because pas de valise pour Florence, vous vous rappelez?). C’est à ce moment-là que je me souviens d’UNE chose (c’est la seule d’ailleurs!): il me faut prendre des photos de deux enfants. J’ai promis. Je demande alors à Penny de me conduire d’abord vers le petit garçon. Il est à l’étage supérieur. Je prends les photos du bambin qui semble plutôt stupéfait de me voir là, l’embrasse et redescend voir ma fille. Évidemment, j’ai oublié de prendre des photos de l’autre enfant (je n’aurais probablement pas pu me souvenir du nom de ses parents de toute manière, au point où j’en étais).

Petite Florence dans mes bras

Enfin, Florence revient de sa table à langer, et en plus avec un biberon. Elle semble assez autonome avec son biberon, mais son père veut que je la prenne. Imaginez : je ne l’ai pas encore prise dans mes bras! C’est assez incroyable, non? Et pourtant je sais, moi, qu’à partir du moment où je la prendrai, je ne pourrai plus jamais la laisser. Étrangement, je ne ressens pas l’urgence de la prendre. Je sais que je pourrai ensuite la prendre autant de fois et aussi longtemps que je le voudrai (Hum! Bon, façon de parler). En quelque sorte, je sais que je pourrai maintenant « prendre mon temps ». Je me sens maintenant pleine d’assurance, enfin libérée, soulagée face à l’attente terminée, et il me semble que je peux désormais défier le temps : une minute ou dix minutes ne me tueront plus jamais comme avant. Dans très peu de temps, je pourrai la toucher, l’enserrer, l’embrasser, la cajoler, la humer même, à satiété! Et je le fais. Et encore depuis.

Elle se laisse faire. Me laisse lui toucher les cheveux, le petit nez, les joues si douces. Elle me regarde, curieuse, mais pas vraiment inquiète. Elle me laisse l’habiller. Reste calme, attentive à mes moindres gestes. Me donne l’impression d’avoir fait cela toute ma vie. Je m’étonne de mes gestes justes et sûrs, sans doute appris malgré moi pendant des années. L’impression (encore!) de déjà vu. Et cet étrange parallèle avec la garderie qui me revient : « Qu’a-t-elle mangé aujourd’hui? » « A-t-elle appris quelque chose de nouveau? » « Qui s’en est occupé? » « Merci, au revoir. »

Penny appelle un taxi. Signe qu’on doit partir. Je ne poserai jamais les questions que j’avais longuement mûries. Dans le taxi, Florence demeure sur mes genoux. Je la regarde sans cesse. À satiété. Elle veut tout voir : dehors, dedans, l’appareil photo de son père. Le bercement du moteur a cependant raison de sa curiosité. Je l’observe en silence, ma joue contre la sienne. Sa peau est douce, son haleine fruitée. Mon cœur devient mou . Immensément. Et toujours depuis.

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