Coup d’envoi ! (Chitipat, originaire de Thaïlande)
Une autre journée de SuperBowl. Depuis maintenant 14 ans, à chaque SuperBowl, nous nous rappelons comment ont commencé mes contractions lors de la naissance de notre fille Amélie. Cette année-là, la journée du SuperBowl ne semblait pas différente des autres, sauf que…
Nous étions partis, Luigi et moi, faire des courses, tandis qu’Amélie était restée à la maison. En revenant, je dépose les sacs dans la cuisine et entends des chuchotements : « Ne dis rien à maman !». Je n’en fais pas de cas, mais quelques minutes après, Luigi me donne le combiné et me dit que Madeleine (oui oui, Sainte Madeleine) est au bout du fil. Elle nous annonce que nous avons un petit garçon de 25 mois, prénommé Chitipat : « Assieds-toi et écoute, n’écris rien pour l’instant, nous nous rencontrerons pour le dossier : fais seulement écouter. » Elle me le décrit, me raconte son histoire et moi, je rêve. Luigi et Amélie, qui veulent tout savoir, rodent autour de moi. Après avoir raccroché, le choc ; la famille vient de s’agrandir. Une si longue attente, 28 mois : Chitipat est à l’orphelinat de Bangkok, depuis qu’il a 19 jours.
Branle-bas de combat pour ceux qui me connaissent, je ne tiens pas en place, je fais les 100 pas, nous sommes un dimanche et je ne peux rien commencer de mes préparatifs, alors j’y vais pour l’annoncer à la famille et aux amis. Dans les semaines qui suivront, nous planifierons billets, hôtel, papiers pour Chitipat et rencontres avec Immigration Canada. Nous avions déjà nos passeports et nos vaccins et décidé, d’un commun accord, qu’Amélie resterait à la maison.
À la rencontre de Chitipat
Le 29 Mars 2004, c’est le départ de Dorval; puis Toronto, Vancouver, Hong Kong et enfin Bangkok. Arrivée : 23 h 30, le mardi 30 mars (heure de Bangkok). Nous prenons un taxi qui nous mène à notre hôtel, le Sathorn Mansion. Au réveil, nous communiquons avec un autre couple déjà sur place qui réside dans notre hôtel. Ensemble, nous rejoignons madame Anchalee au téléphone. Il est décidé que l’autre couple ira chercher leur fils le matin, car il est à l’extérieur de Bangkok. Nous avons rendez-vous avec madame Anchalee à 15 h à son bureau et fixons aussi une autre rencontre, cette fois avec le docteur Philippe pour le vendredi suivant.
Nous sommes au rendez-vous, il est 15 h. Madame Anchalee entre dans le bureau avec un magnifique sourire tout en s’excusant d’être un peu en retard. Nous traversons la rue, l’orphelinat se trouve juste en face ; un beau bâtiment propre, avec un gardien, du gazon et une aire de jeux. Nous patientons dans la salle d’attente pendant que madame Anchalee va chercher Chitipat. Jamais je ne pourrai décrire avec exactitude ce que j’ai ressenti quand Chitipat est entré dans la pièce dans les bras de sa nounou. Il était minuscule : un garçon de 27 mois qui ne pesait que 8 kilos. Je l’ai pris dans mes bras, lui murmurant « Mon petit amour ». Il ne disait rien, mon mari le prend, il se laisse faire tout autant. Ce sera ainsi pendant tout le voyage, allant des bras de papa à maman sans problème. Nous visitons ensuite l’orphelinat avec Chitipat dans nos bras. Dans le dortoir, nous le déposons par terre. Ses amis étaient tous là, il joue avec eux. Les éducatrices prennent des photos, nous aussi ; de lui, de nous. Nous partons sans pleurs, ni crises avec notre fils. Il s’endort dans le taxi.
Les premiers jours
De retour à l’hôtel, tout le personnel nous attend avec impatience, ils prennent le petit, lui parlent en Thaï. Nous montons à la chambre. Nous avions apporté des jeux que nous avions étalés par terre avant notre départ, alors nous jouons avec lui. Cela semble briser la glace. Il nous sourit. L’orphelinat nous avait donné six biberons, mais aucune directive. Que mangeait notre fils ? Ce fut une découverte à chaque repas, il ne buvait même pas au biberon ! La première journée passée dans les nuages, voici le retour à la réalité : rencontre avec l’ambassade canadienne pour le visa, rencontre avec le docteur Philippe, retour à l’ambassade. Nous devons attendre le visa. La rencontre avec le comité est prévue pour la semaine prochaine. Chitipat était vraiment merveilleux, il jouait, riait et faisait des blagues, se cachait derrière les portes et adorait jouer avec les casseroles. On aurait pu croire qu’il était avec nous depuis toujours tellement tout semblait naturel entre nous trois. Nous avions été avertis qu’il aurait probablement peur de prendre son bain, alors nous avons attendu le 2e jour pour tenter l’expérience. Ce fut des pleurs et des cris. Papa a donc pris sa douche avec lui durant le voyage ; le bain, ce sera à Montréal.
Il avait peur de la piscine de l’hôtel, mais 17 jours plus tard, il adorait la piscine. Il éprouvait de la difficulté à s’endormir, nous devions le bercer et ensuite le déposer dans son berceau (mais il dormait toute sa nuit). Après quelques jours, les crises ont débuté quand nous lui disions non. Il ne se laissait plus approcher, ni toucher, allant jusqu’à se cogner la tête par terre. Nous devions le déposer sur le tapis, où souvent il s’endormait. Durant la rencontre avec le comité, il a fait une énorme crise dans la salle d’attente, à même le plancher. Il a fini par se calmer pour la rencontre et nous sommes retournés, épuisés, à l’ambassade canadienne avec les documents. Il ne restait plus qu’à obtenir le visa, que nous aurions le lendemain. Visa en main, l’attente commençait pour le retour : notre fille nous manquait. Nous avions Internet à l’hôtel, alors tous les soirs nous communiquions avec elle. Et nous passions un coup de fil aux deux jours. Nous avons beaucoup visité avec Chitipat qui aimait la poussette et les pommes. Nous partions le matin vers 8 h 30 et revenions vers 13 h pour la sieste et un peu de baignade à la piscine.
Retour au bercail
Départ de Bangkok, 23 h 30. Chitipat ne dort toujours pas, il se met à pleurer en montant dans l’avion et ne s’arrêtera que cinq heures plus tard, à Norita (Tokyo). Escale de 12 heures. Suite à de mauvaises directives, nous passons les douanes et réalisons ensuite l’erreur ; les chambres pour les visiteurs en transit se trouvent avant les douanes. Nous nous promenons donc avec un bébé, qui pleurera pendant 12 heures sans arrêt, errant avec nos valises dans l’aéroport de Norita.
19h30, nous partons enfin pour Toronto et avisons le personnel de la ligne aérienne que Chitipat est incontrôlable et qu’il pleure sans arrêt en avion. Les agentes de bord se font rassurantes. Nous embarquons, mangeons un peu, Chitipat n’avait pas voulu manger depuis maintenant 36 heures. Je lui donne du Tempra, rien n’y fait. Enfin, une heure après que l’avion eût décollé, il s’endormira et ne se réveillera qu’une heure avant d’atterrir. Toronto, le temps est compté : nous devons passer les douanes ainsi que l’immigration, en exactement cinq minutes. La préposée nous félicite : notre fils est officiellement résident canadien. Pas le temps de s’attendrir, notre vol pour Montréal part dans 20 minutes. On nous y attend : notre famille mais surtout notre fille, la sœur de Chitipat.
À Dorval, Amélie prend son frère et pleure. Ouf ! Nous étions un peu anxieux de sa réaction, Chitipat va dans les bras de tous et chacun sans problème. Dans l’auto, il veut être dans les bras de sa sœur, il l’examine très attentivement, lui sent le cou, lui donne des baisers, merci mon Dieu !
La nouvelle vie
Quelques jours plus tard, c’est la visite chez le pédiatre (tout est OK !). Il ne lui manque qu’un vaccin. Cultures, prises de sang. Visite chez le dentiste. Papa a pris un congé parental de trois mois avec maman. Nous apprenons à nous connaître. Les crises sont toujours présentes, mais maintenant il les fait sur le tapis (le plancher dur ne lui plait plus). Après avoir réalisé qu’il s’installe confortablement avant de faire une crise, celles-ci nous apparaissent moins dramatiques. Elles seront très rares et plus courtes cinq mois plus tard. Nous apprenons tous à nous connaître, avec nos qualités et défauts, Michael-Chi (nom que nous avons décidé de lui donner) est un enfant adorable, et il possède un sens de l’humour qui cadre très bien avec nous. Il adore prendre son bain et jouer avec l’eau. Très intelligent, il apprend vite. La relation avec sa sœur est une vraie relation frère/sœur : ils jouent ensemble et s’énervent mutuellement… nous n’aurions pas pu demander mieux. Il mange de tout, lui qui, à notre arrivée, ne mangeait que de la purée. Il s’est mis à boire du lait au biberon. Il dort dans sa chambre et fait ses nuits. Il s’endort seul après… 8 histoires. Il ne cesse de nous épater ! Il comprend tout ce que nous lui disons et parle beaucoup. Depuis le mois d’août, il est propre. Il a aussi commencé la garderie progressivement, 4 jours semaine, et semble aimer l’expérience. Son attitude a beaucoup évolué depuis son entrée à la garderie. Son vocabulaire se développe, il joue avec les autres enfants, s’exprime et désire faire plus de choses seul.
Ce Noël, nous avons déjà notre cadeau, et notre vœu du Jour de l’An. Cette fameuse phrase “l’attente est longue, mais ça vaut la peine” prendra toute sa signification cette année.