Mathilde Kim Parent (originaire de Corée du Sud)
Il est présentement 3h53 du matin ici à Séoul. Stefan et moi portons les mêmes vêtements depuis près de 72 heures. Mais qu’importe.
Nos valises sont quelque part au-dessus du Pacifique, elles ont manqué leur connexion Vancouver/Séoul. Mais heureusement, pas nous, ce malgré un transit des plus périlleux. Le vol Montréal-Vancouver est en effet parti en retard et a dû emprunter une autre route, plus longue, vers Vancouver. En début de vol, très inquiète de manquer notre liaison pour Séoul, j’avise deux agents de bord que nous nous apprêtons à adopter un bébé. Je leur mentionne que de manquer notre liaison serait très problématique car le vol suivant nous mènerait à Séoul vendredi soir, et l’agence est fermée durant le weekend alors que notre retour à Montréal est prévu pour dimanche. Je sème ainsi des petites graines d’espoir auprès de ceux-ci: “Si jamais vous aviez l’occasion de plaider notre cause à qui de droit, pour que l’avion nous attende, ce serait VRAIMENT très apprécié”.
Une heure plus tard, nul autre que le pilote de l’avion nous interpelle. Après avoir été mis au courant de notre beau projet à l’approche de Noël, il a personnellement avisé les autorités pour que l’avion en direction de Séoul ne parte pas sans nous, et s’est assuré qu’une voiturette de golf nous escorterait à la « gate ». Ouf…Nous sommes émus, voir ébranlés, de cette attention si généreuse et personnalisée. C’est ce qu’on appelle en anglais “Going the extra mile” !
On débarque ainsi de l’avion à 11h45 et notre prochain vol quitte normalement le sol à 11h50. On se dirige, confiants, vers l’agent responsable d’aider les voyageurs en transit.
Lui- Séoul ? Non, le vol ne vous attendra pas.
Nous- Mais le pilote nous a dit qu’il avait avisé les autorités, même qu’une voiturette de golf doit nous y conduire, pouvez-vous vérifier s’il vous plaît ?
Lui – Non. Allez au comptoir d’Air Canada pour être redirigés vers un autre vol.
S’en suivent cinq secondes de panique et un regard complice de deux futurs parents qui n’ont rien à perdre, qui ont tout à perdre. Nous voilà ainsi partis pour une course littéralement désespérée, freinés par de nombreux bagages à mains, jusqu’à l’autre bout de l’aéroport (en est-il jamais autrement ?!). On court, on court…Stefan, qui me sème rapidement, aperçoit un agent d’Air Canada avec un walkie-talkie. Sans se donner la peine d’arrêter, il lui crie :
– Pouvez-vous svp appeler la Porte 53 pour les aviser que deux voyageurs arrivent.
Miracle ! On arrive et l’avion n’est pas encore parti. On s’installe, à bout de souffle et tremblotant d’adrénaline. Qu’apprenons-nous ? Nous sommes en attente de deux voyageurs, en provenance de Montréal, qui arriveront sous peu… en voiturette de golf (!)
Il est présentement 3h58 du matin ici, à Séoul. Stefan et moi ne dormons plus depuis près d’une heure.
Hier matin, nous avons rencontré Mathilde Kim pour la première fois, chez sa maman d’accueil. Cette première rencontre nous a fait vivre plusieurs émotions simultanées, quelque peu difficiles à concilier. D’une part, l’excitation de rencontrer notre enfant et l’envie immédiate d’entrer en contact avec elle. D’autre part, le constat que Mathilde Kim est attachée à sa maman d’accueil, qui est définitivement très attachée à elle. Cette jeune mère de trois garçons, qui accueille des bébés en attente d’adoption depuis moins de deux ans, ne parvient pas à retenir ses larmes, ce à plusieurs reprises durant notre rencontre. Nous tentons ainsi de demeurer humbles et discrets dans l’expression de notre joie et l’aboutissement heureux de notre longue quête. Nous mentionnons à plusieurs reprises comment nous sommes reconnaissants, que nous ne manquerons pas de parler d’elle à Mathilde Kim et que nous lui enverrons des photos. Elle semble peu à peu s’apaiser. Tout ceci au travers une barrière de langue que la travailleuse sociale, remplie de bonne volonté, tente de franchir dans un anglais plus qu’approximatif.
Mathilde Kim est tellement mignonne ! Elle a le regard franc et un sourire dévastateur encadré de jolies fossettes. Elle semble très vive et allumée, le premier contact est ainsi facile et agréable, à notre plus grand soulagement.
Nous nous présenterons aujourd’hui à la “Social welfare”, la clinique qui chapeaute les adoptions internationales, où Mathilde Kim nous attendra sans le savoir. Nous aurons alors 48 heures pour faire plus ample connaissance avant d’entamer le long voyage de retour vers Montréal. Nous savons bien que l’enfant nouvellement adopté est en état de choc lors des premiers jours. Nous sommes ainsi fébriles et inquiets de découvrir comment celui-ci se manifestera chez Mathilde Kim.